Les activistes en exil, une voix qui ne s’éteint pas
Victor Amisi Sulubika est un activiste en exil qui continue de promouvoir les droits de l'homme et de porter la voix des opprimés. Il a travaillé en République démocratique du Congo avant de devoir quitter le pays en raison de menaces de mort. Maintenant au Canada, il continue de travailler pour les droits de l'homme et de sensibiliser les Canadiens à la situation dans les pays en guerre. Les activistes en exil ont besoin de soutien pour poursuivre leur travail et leur contribution est essentielle à la lutte pour les droits de l'homme dans le monde.
Les activistes en exil, une voix qui ne s’éteint pas
Derrière chaque face d’un défenseur de droits de la personne, il existe une histoire.
Une histoire qui semble être assombrie par les événements du monde. Et pourtant son existence prend forme à travers la passion, le dévouement et la résilience.
Nous sommes activistes en exil et nous continuons à porter la voix des opprimés et à promouvoir les droits de la personne.
Un événement arrive et personne ne réagit ni ne dénonce. Un inconnu revient à la charge, parce qu’il croit à la paix, à la dignité humaine et au respect de droits de la personne. Bref, il est contre l’injustice sociale et la violation des droits de la personne.Leur travail est reconnu par la Déclaration Universelle des droits de l’homme et les Nations Unies leur ont reconnu le droit a la protection, à travers la résolution historique sur la protection des défenseures des droits humains et des défenseurs des droits des femmes.
Comme dans beaucoup de pays du monde, la République Démocratique du Congo, mon pays d’origine, regorge des milliers d’activistes de droits de la personne, depuis les guerres de plusieurs décennies. Travailler dans un environnement de conflits armés est traumatisant. Ils sont à l’avant-garde des mouvements de justice sociale en faveur de véritables changements sociaux qui bénéficient à tous. Ils font face à des menaces multiples et de tout genre, de la stigmatisation, l’exclusion, de la discrimination. La résilience de cette catégorie de personnes inspire plusieurs à suivre le pas.
Observer les atrocités, porter secours aux sinistrés et défendre les droits des marginalisés et opprimés, lutter pour la justice sociale étaient le quotidien de ma vie. Activiste depuis 1994 en RD Congo, j’ai consacré une partie de ma vie à lutter pour la justice sociale, la dignité humaine et le respect de droits de la personne.Une lutte perçue comme une menace qui nous expose en cibles d’attaques visant à nous décourager, individuellement et collectivement, de poursuivre nos efforts avant, pendant et après les conflits armés.
Un travail qui m’a exposé aux intimidations, aux interpellations jusqu’à la menace de mort. Un fusil sur ma tempe avait suffi pour sentir le danger du travail d’un activiste et de m’obliger à quitter mon pays: Une décision difficile et le début d’un parcours d’exil.
“Ce qui ne m’a pas tué m’a rendu fort”
Mon engagement profond m’a amené à persévérer dans mon travail, en utilisant la relative sécurité de l’exil en Ouganda pour m’exprimer ouvertement sur les violations des droits de l’homme de la RD Congo. Cependant, poursuivre l’activisme en droits de l’homme en tant que réfugié n’est pas évident en raison des risques de sécurité, des appels anonymes, des barrières liées à la langue, à l’obtention du permis de travail, à la réglementation en vigueur et à l’accès et la diffusion de l’information.
Pour atténuer ces risques de sécurité, il fallait garder profil bas, en évitant des déplacements inutiles et parfois cela nous rendait davantage vulnérable. Pour cela, il fallait utiliser une tactique de sécurité commune en changeant les cartes SIM du téléphone et le lieu de résidence.
Pour continuer le travail, nous avions bénéficié de l’appui technique (accès au bureau, à la documentation), des subventions de protection d’urgence de la part d’Amnesty International, mais ce soutien d’urgence se limitait généralement à une période de trois à six mois, renouvelable. En compagnie d’autres activistes de droits de la personne réfugiés en danger, nous avons apporté une contribution des recherches concernant la situation des droits de la personne dans la région des grands lacs au sein de l’équipe des chercheurs de la section d’Amnesty International/section Afrique.
Des mécanismes de soutien spécifiques ont été nécessaires non seulement pour nous aider à survivre, mais aussi à poursuivre efficacement notre activisme en droits de l’homme.
L’idéal du combat est un état d’esprit.
Loin des dangers, des menaces et d’incertitudes de tout genre, l’arrivée au Canada était une bouffée d’oxygène. L’appui d’ Amnesty International m’a facilité d’affronter l’expérience canadienne, en tant que bénévole.
Comme tout réfugié réinstallé au Canada, j‘ai été confronté aux défis majeurs: D’un coté, le devoir d’assurer le bien-être de ma famille, trouver un emploi et de l’autre côté poursuivre les études universitaires pour élargir mes compétences et connaissances.
Entre-temps, le désir et la passion de continuer le travail de droit de l’homme était un objectif à atteindre. La question à se poser est comment concilier la passion et la recherche de survie?
Sous la pression des conditions de vie et de la recherche pour la survie, plusieurs d’entre nous ont abandonné le travail d’activiste.
Mais parce que j’ai cru en mon travail et à ma passion, j’ai, par contre, eu l’idée d’ouvrir un bureau à Ottawa avec une visée internationale.
Avec un status consultatif au sein de l’Ecosoc aux Nations Unies, notre organisation nous permet d’apporter notre voix à l’international. En tant que représentant de la société civile aux assises des Nations Unies, j’apporte ma modeste contribution dans les programmes des Nations Unies de désarmement, de contrôle des armes, de paix et de sécurité et sur le traité sur le commerce des armes et des armes nucléaires. Nous continuons la recherche des financements pour les activités sur le terrain. Et a gtravers notre temoignage d’action, nous inspirons les jeunes canadiens dans les universités, les écoles secondaires et collèges,à travers l’ éducation et l’information sur la problématique des droits de la personne dans les pays en guerre, sur la diversité et l’inclusion, le leadership et la participation aux enjeux mondiaux.
Nous apportons de l’aide aux collègues restés au pays et qui se battent pour les droits de la personne.
Un parcours de combattant
Poursuivre l’activisme et trouver le financement pour les activités ne sont pas faciles, à cause des exigences des organisations et du gouvernement canadien.Certains organisations canadiennes préfèrent travailler directement sur le terrain au lieu d’appuyer aussi d’autres qui n’ont pas accès au financement et aux appels d’offres. Ce qui nous pousse à recourir aux partenaires en dehors du Canada.
Après plusieurs années de soutien psychologique, de détraumatisation et d’accompagnement aux survivants de la violence armée, il sied de souligner qu’au niveau personnel, aucun service de détraumatisation ne nous a été offert depuis notre arrivée au Canada. Et c’est à travers les rencontres, réunions, conférences et assemblées que nous parvenons à parler comme processus de guérison.
Par ailleurs, le manque de reconnaissance de l’existence des activistes au Canada, nous rend impuissants devant les situations qui nous interpellent.
Le gouvernement canadien devrait reconnaître l’existence des activistes exilés en leur donnant des solutions pour que ces obstacles ne freinent pas le dynamisme des actions menées par eux.
Faciliter l’accès aux financements pour les actions sur le terrain et l’accompagnement d’autres organisations aideraient les activistes à poursuivre leur travail.
L’activiste en exil est une source d’inspiration
Beaucoup d’activistes ont payé un grand prix pour avoir entrepris des travaux de promotion des droits de l’homme. Si certains subissent les menaces, d’autres, par contre, sont tués et leurs familles vivent en danger permanent. Ceux qui ont eu la chance de s’exiler sont une force pour ceux sont restés dans leurs pays d’origine. Ils ont besoin des conseils et du soutien pour poursuivre leur travail en exil. Reconnaître leur existence et capitaliser leurs compétences aideraient le Canada dans sa lutte pour le droits de l’homme et des principes démocratiques à travers le monde.
Ce n’est pas facile d’être un activiste exilé. C’est un état d’esprit, une voix qui inspire et qui se déplace, traversant les mers et les océans à la recherche d’un environnement sécuritaire. C’est aussi une voix difficile à étouffer, et qui milite pour le respect de droits de la personne, de la justice, de la personne humaine et pour la paix dans le monde.